LAC VICTORIA

 

Cauchemar au lac Victoria

 

 

Entre autres désastres, le film récent “le Cauchemar de Darwin” met en lumière les risques que l’introduction d’espèces fait courir à la biodiversité.

Le Cauchemar de Darwin, de Hubert Sauper, donne à voir une Afrique centrale ravagée par les guerres, le sida et la pauvreté. Mais, comme souvent, la catastrophe humaine et sociale est aussi écologique. L’introduction de l’élevage pour l’exportation de la perche du Nil dans le lac Victoria, point de départ du film, a en effet entraîné l’extinction de dizaines d’espèces de poissons rarissimes.

Le lac Victoria, de la taille de l’Irlande, est situé dans l’est africain entre le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. Seconde réserve d’eau douce du monde, il est considéré comme un laboratoire naturel de l’évolution : depuis son assèchement total il y a 14 000 ans, plus de 300 espèces de cichlidés, petits poissons aux couleurs vives, y sont apparues. A titre de comparaison, les eaux douces d’Europe n’abritent que 129 espèces de poissons. C’est ce joyau de la biodiversité mondiale, précieux pour les biologistes de l’évolution, qu’est venu détruire l’introduction du Lates niloticus ou perche du Nil.

En 1954, quelques spécimens sont déversés dans le lac, pour accroître rapidement la production du lac. La perche du Nil, qui peut mesurer jusqu’à deux mètres, est très prisée par les consommateurs occidentaux. Une industrie tout entière tournée vers l’exportation se développe autour du lac Victoria. Mais ce poisson est un redoutable prédateur pour les cichlidés. En 1950, ceux-ci représentaient la quasi-totalité du tonnage pêché, contre moins de 1 % au début des années quatre-vingt, la perche du Nil étant devenue hégémonique. Plus de 25 espèces de cichlidés ont entièrement disparu, provoquant une cascade d’effets écologiques. Certaines espèces qui broutaient les algues s’étant raréfiées, les algues se sont accumulées, faisant chuter les teneurs en oxygène, d’où le lent empoisonnement du lac. De plus, le fumage de la perche du Nil nécessite du bois, ce qui accroît la déforestation, entraîne le lessivage des sols, diminue la qualité des eaux…

Le bilan de cette catastrophe écologique commence à peine à être tiré. Certaines réglementations, comme l’interdiction du chalutage sur le lac Victoria, se sont mises en place pour une gestion plus équilibrée. L’Australie a renoncé à introduire la perche du Nil, comme elle l’avait envisagé. Mais ces mesures, bien tardives, ne permettront jamais de faire renaître les espèces de cichlidés disparues, que l’évolution avait mis plus de 10 000 ans à faire apparaître.

Nicolas Chevassus

 

 

VICTORIA

 

 

 

 

 

Astatotilapia Aeneocolor

 

 

 

 

 

 

 

 

Haplochromis Hippopoint Salmon

 

 

 

Pundamilia Pundamilia Kissenda

 

 

 

 

 

Pundimilia Nyereri